Le Mérou 
(Epinephelus guaza ou Serranus  gigas)
Noms divers :
Anfounssiou (Nice),
Lucerna (Corse),
Grouper(Anglais),
Mero (Espagnol),
Rophos (Grec),
Zackenbarsch (Allemand),
Cernia (Italien),
Menanni ahmar (Tunisien)
 et Cerna (Malte).
Ce superbe poisson vit sur les côtes rocheuses de plusieurs centaines de mètres jusqu’à la lisière des posidonies. Sa longueur maximale est de 100 cm. Son nom d’ « epinephelus » signifie avec des nuages dessus, ce qui évoque ses somptueuses taches colorées, qui constellent magnifiquement sa robe marron jaunâtre du plus bel effet à la sortie de l’eau. Malheureusement la mort rapide, hors de son élément naturel, le prive de cette livrée de gala, que j’ai admirée longuement lors de mes rencontres, j’allais dire mes rendez-vous (presqu’amoureux), avec ce seigneur des fonds marins. Il faut dire que mon quartier algérois, du « Plateau » aux Deux-Moulins, était un havre de vie pour cette espèce. Il n’était pas rare que, lors d’une seule chasse sous-marine matinale, j’en croise pratiquement une vingtaine. Nous organisions notre parcours de chasse en fonction des habitats de ces gentils carnassiers très sédentaires. Je les ai donc admirés sous toutes les coutures et je garde toujours un souvenir impérissable du spectacle d’un de ces mérous flânant au soleil d’une belle matinée d’été. J’étais caché derrière un écueil, l’agachon ayant toujours été ma pratique de chasse favorite, et de l’autre côté du rocher un beau spécimen de 8 à 9 kilos se prélassait paresseusement « debout », queue en bas, tête regardant la surface ? Il ondulait ainsi en présentant alternativement ses flancs à la chaleur bienfaitrice de maître Phœbus, qui la lui dispensait généreusement.
Je suis resté un bon quart d’heure à admirer ce ballet nautique et bien sûr je n’ai jamais eu ensuite le culot de tirer un esthète de cette élégance. Je l’ai donc simplement effrayé et obligé à regagner son antre pour la journée.

Et oui ! je confirme un mérou, dérangé par un vilain nemrod à arbalète sous-marine, a des habitudes de vie très strictes en zone civilisée. Et Dieu sait si les Deux-Moulins de l’époque avaient un caractère « urbain » en matière de chasse sous-marine. Nous étions une quantité énorme de chasseurs ou pêcheurs d’oursins du côté de la Côte Turquoise pour affirmer que nos mérous, pour survivre, étaient vite devenus de fins stratèges. Je confirme donc qu’un mérou, sédentaire chronique, dérangé dans sa sortie matinale et ayant bien identifié le danger potentiel disparaissait pour la journée dans sa grotte protectrice. Si par contre le dérangement n’était qu’un bruit, sans qu’il ait pu reconnaître formellement  l’intrus, messire mérou entrait précipitamment dans sa caverne, mais soucieux et surtout curieux de voir si par hasard le bruit ne venait pas d’une proie possible, il ressortait dans la minute suivante pour inspecter les environs. Si le chasseur imprudent était alors en pleine eau, il était vu et le carnassier entrait cette fois définitivement dans son abri rocheux. Mais si le pêcheur était averti, il s’arrangeait alors pour arriver à l’entrée de la grotte au moment de la résurgence du poisson et avait ainsi de grandes chances de réussir son coup d’arbalète. C’est comme cela que j’ai pu tuer ma plus belle pièce azuréenne, un monstre de 22,700 kilos, strictement pesé sur une balance commerciale du marché Forville de Cannes. La photo jointe montre l’importance de la prise, sachant que le chasseur pesait alors lui-même 75 kilos. Par contre, une autre de mes prises de « 14 petits kilos », réussie un premier avril (!), n’aurait pas dû finir dans ma besace. Pourquoi ? Parce que blessé du matin, mais très grièvement (foie traversé par la flèche), il aurait normalement fini sa triste vie loin de la table du meurtrier, que j’étais ce matin-là. Mais voilà cette blessure, sans doute douloureuse, réclamait des soins. Et ce Jojo avait trouvé un médicament idéal  dans une exposition solaire intense. Ressorti de sa caverne inextricable, il s’était couché sur le fond de sable blanc, qui jouxtait son antre, et exposait sa blessure aux rayons du soleil vers les quatre heures de l’après-midi du même jour. Le tueur, encore tout dépité de l’avoir perdu après une lutte farouche en corps à corps le matin, s’est présenté sournoisement, très concentré et bien caché par l’angle mort offert par le paysage marin concerné. Et cette fois le coup de fusil fit définitivement mouche. Le trophée, somptueusement coloré de toutes ses taches vertes et jaunes fluorescentes, fut ainsi montré aux petits héritiers, revenus avec leur maman sur les lieux du crime pour admirer les exploits de leur papa. Ce dernier n’a en fait jamais été très fier de tuer des mérous, trop amoureux qu’il était de ce somptueux prince des fonds marins. Et ils s’en comptent des dizaines à avoir bénéficié de sa mansuétude en mer Méditerranée.
Voilà ce que je crois savoir dire des mérous, mes compagnons de toujours dans cette grande bleue, que j’ai tant fréquentée.
Méditerranéennement votre !

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